Depuis très jeune, j’ai toujours eu ce souhait, cette conviction profondément ancrée, de vouloir contribuer à un impact positif, de chercher avant tout à « mettre du sens ». Mais c’étaient là des convictions, pas un métier. Dans mes études à HEC puis au moment de démarrer ma carrière, j’avais un projet professionnel à la fois très clair, et pas du tout précis...  Quand j’ai commencé, c’était vraiment précurseur : la sustainability, l’impact ce n’était pas compatible avec le business. C’était dérangeant. Mon projet professionnel était souvent mal reçu, critiqué. Mais je me suis accroché. Je me suis souviens d’une tribune dans Le Monde sur le commerce équitable. Ça a été l’une de mes premières inspirations. Je me suis dit : « ça existe, c’est possible ». Et c’est ainsi que, de possible en possible, de petites graines semées par-ci par-là à travers le monde, les aventures se sont écrites. Cela fait vingt ans que je suis investi dans l’impact, la durabilité, la responsabilité, dans mon travail et dans ma vie. J’y trouve le sens et la passion pour poursuivre. 

 

J'ai fait mes premières expériences dans le secteur associatif - en Afrique de l’Ouest, au Canada - puis j’ai fait le choix de rejoindre le secteur privé parce que j'y ai vu la possibilité de générer un impact à une échelle beaucoup plus significative. Je me suis lancé le défi de mobiliser les forces du business de façon positive. Et je me suis promis de ne jamais oublier pourquoi j’avais fait ce choix.  

J'ai passé la première décennie de ma carrière dans le secteur de l’eau : la préservation et la valorisation d’une ressource aussi rare, l’accès à cette ressource pour la santé, la sécurité alimentaire, l’essor de grandes villes de pays émergents, le développement de communautés rurales… Après 2 années basé à Chicago pour le compte d’une entreprise leader mondial des services à l’environnement, j’étais en profonde interrogation. On pouvait faire tellement mieux, aller tellement plus loin. J’étais très jeune, mais je n’avais rien à perdre, alors j’ai écrit à la direction. En quelques mots, le message était : une entreprise vertueuse crée de la valeur pour la société et la planète, et cela crée en retour les conditions de sa croissance pérenne. Le profit et l’impact, c’est l’un ET l’autre.  
J’ai lancé cette bouteille à la mer, je n’attendais pas nécessairement une réponse, mais je voulais être cohérent avec moi-même et me dire que j'aurais essayé. Je suis tombé sur des dirigeants formidables ; un poste m’a été créé au siège à Paris. On tente le coup. On crée des brèches, de nouveaux marchés, on trouve des solutions créatives pour associer nos impératifs commerciaux et nos objectifs de durabilité de long terme. Et puis de social business en investissement d’impact, de projet pilote à marché de masse, de partenariat avec d’autres entreprises, communautés rurales, banques de développement, chercheurs et innovateurs, de chaînes d’approvisionnement durable en restauration d’écosystèmes naturels… les solutions se sont établies et la sustainability est rentrée au cœur du business model de grands groupes. 
 
Je suis aujourd’hui directeur global en charge de l'agriculture durable et intelligente pour une entreprise internationale leader dans le secteur agro-alimentaire. Je suis passionné par mon métier qui me donne la chance et la responsabilité de générer de l’impact. 
 

Je ne sais pas exactement d’où vient cette passion, sans doute de mon enfance. Je suis de père mexicain et de mère franco-allemande. J'ai grandi dans un quartier très cosmopolite du Sud de la France. Tout cela m'a donné la chance depuis tout petit de voir des situations très différentes, de prendre conscience que l’on ne part pas tous avec les mêmes cartes, de m'interroger sur le sens, la portée de nos actions, le rôle qu'on peut chacun avoir. Mon grand-père a été fait prisonnier au lendemain de la guerre. Il est devenu agriculteur. Je retrouve ces racines agricoles dans mon métier.  

 

Pour revenir à l’entreprise, il y a la notion de transition, de transformation du business model d’une organisation. Pour que, petit à petit, les personnes, les capitaux, les ressources, les équipes, le modèle de l’entreprise se réorientent ou renforcent la création de valeur, d’impact et de sens. Cela demande de la patience, du courage, des exemples concrets et démonstratifs.  
Dans beaucoup de cas, il faut démontrer de façon très concrète que ces nouveaux business models marchent et délivrent, pour ensuite pouvoir accélérer, aller chercher du capital et passer à très grande échelle.  
Mais une grande partie de mon travail, c'est de bien comprendre le point A avant de penser à aller au point B, c'est de bien identifier le point de départ. Une entreprise fait toujours au moins une chose particulièrement bien. C’est ce point fort qu’il faut identifier, puis définir un projet authentique, crédible, qui renforce ces atouts. C’est là qu’il faut être créatif pour réconcilier des impératifs commerciaux et une vision durable. Il faut associer pragmatisme et empathie pour embarquer les personnes et les organisations. Une partie de ce travail est très factuelle, analytique, chiffrée et mesurable. C’est précis et concret. Une autre partie relève des individus, des relations, de la communication, de l'intelligence émotionnelle. C’est vivant et ça parle au cœur et aux tripes.  
 
    Aujourd’hui, en tant que dirigeant, j’ai une responsabilité à porter courageusement. La transition du modèle agricole intensif vers le modèle durable et régénératif doit se conduire avec ambition, avec volonté, avec exigence…, tout en reconnaissant le temps nécessaire aux cycles de la nature.  
La puissance de l'impact, c'est de décupler toutes les ressources en allant les chercher partout où elles sont. Il existe une part discrétionnaire en chaque employé, un puits de ressources et de passion qui, dans un job routinier et sans intérêt, ne s’exprime pas, mais qui, s’il est compris, révélé et encouragé, peut faire de grandes choses. Et si la mission d’une entreprise et le rôle d’un dirigeant permettent de révéler ce potentiel en chacun des employés, alors la force collective de cette organisation devient toute autre. Toutes les ressources sont alors orientées vers la création de valeur et l’entreprise comme son écosystème alimentent un modèle vertueux. 
Tout le monde dans une entreprise est, au fond de soi-même intéressé, animé par l'opportunité de pouvoir contribuer à quelque chose d'utile et de vertueux, personne n'est fondamentalement animé par l’envie de détruire nos ressources ou de faire des choses qui n'ont aucun sens, simplement, la subtilité c'est d'aller trouver chacun où il est et de créer un partenariat. Quand on est capable de faire appel à la motivation et aux valeurs profondes d’un individu dans son travail, ce n’est plus un job, c'est une passion.  

 
L’entreprise pour laquelle je travaille s’approvisionne directement auprès de plus de 3 500 agriculteurs, producteurs de pommes de terre dans le monde. - régulièrement nous avons la chance de travailler avec la 2e ou 3e génération d'agriculteurs de la même famille. Nous avons une relation de long terme avec ces agriculteurs que nous considérons comme nos partenaires. 
Et on constate, après toutes ces années que le changement climatique les impacte de façon très visible. Les sécheresses, les inondations, les maladies et les événements climatiques récurrents et extrêmes mettent en péril la résilience de nos agriculteurs, leur capacité à vivre de leur métier et leur profession de façon compétitive. Il est notre responsabilité de les accompagner face au changement climatique, de la même manière qu’eux nous ont soutenu depuis des décennies. A notre tour de les soutenir et de trouver les façons de restaurer la santé des sols, de rendre la filière agricole durable et plus compétitive sur le long terme. Nous avons pris l’engagement que 100% de nos surfaces cultivées en pomme de terre adoptent des pratiques d'agriculture de régénération d’ici 2030. Des pratiques qui régénèrent les sols, qui favorisent la biodiversité, qui optimisent l'usage de l'eau et des intrants agricoles, et qui contribuent à offrir des produits sains et durables à nos clients et consommateurs. La conduite de cette transition requière d’identifier des agriculteurs pionniers qui ont à cœur de tester des nouvelles pratiques agricoles ou qui l'ont déjà faites et qui voient des résultats, de parler à la prochaine génération agricultrice et d'agriculteurs qui ont envie de reprendre la profession et de faire en sorte que ces modèles, économiquement et techniquement, puissent fonctionner. 
On invite nos agriculteurs à faire partie de cette transition, à venir partager leur regard sur ces pratiques. C’est un travail collectif de long terme. 

Je pense qu’on a tous la possibilité et même le devoir d’être un changemaker. A chaque action que l’on mène, à chaque moment de notre carrière ou de notre vie, on a l’occasion de décider, de faire un choix et de choisir une cause, de s’y investir. Il y a beaucoup de causes qui méritent l’engagement. 
Mais moi, je pense plutôt à tous ces agriculteurs, ces femmes et ces hommes que je côtoie depuis des années, ces personnages marquants dans les communautés rurales où je me rends partout dans le monde : ça c'est les vrais changemakers. Ils sont bien trop humbles pour s’en rendre compte, mais ce sont eux qui m’inspirent le plus.  

Au cœur de cette transition, il y a la nouvelle génération. Une génération pour laquelle la sustainibility, l’impact social et environnemental sont la norme, l’exigence, à bien juste titre. Cette génération, je ne veux pas la décevoir. J’ai moi-même été très déçu par certains, très inspirés par d’autres. C’est peut-être ma plus grande motivation aujourd’hui, d'être à la hauteur des attentes très légitimes des plus jeunes, celles et ceux qui attendent des dirigeants qu’ils agissent en faveur de la justice économique, sociale et climatique. Je considère que travailler dans la sustainability est une chance autant qu’une responsabilité. Je tâche du mieux que je peux, d’agir avec exemplarité. Aristote écrivait: « Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée ». Alors, j’essaie de faire en sorte que chaque jour, chaque réunion, chaque déplacement, chaque décision, chaque échange ou idée, compte de façon répétée, et contribue à faire une petite différence.  

Je crois qu’il faut chaque jour se poser la question, se remettre en question, se réinventer, avoir le courage de dire, qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? Je ne crois pas au « business as usual » : dans le business, soit tu as le courage de prendre une décision qui élève et enrichit ton entreprise et ton écosystème, soit tu le détruis ou l’appauvris. Il n’y a pas de neutralité ou de « je passe ». A chacun d’agir.  

Et je crois aussi que le seul modèle de business qui tienne, le seul qui dure et qui crée de la valeur, c’est le win win. Il n’y aucun modèle pérenne qui te permette de t’enrichir en appauvrissant l’autre. Il n’y a pas de bataille qui se vaille pour une minuscule part de gâteau. Il y a : joindre nos forces pour faire tellement grandir le gâteau, qu’ensuite chacun aura largement de quoi avoir sa part. 

Aujourd’hui ce sera juste un tout petit bout de la « big picture »mais qui fait partie d’un grand tout, de l’endroit que l’on veut atteindre.  

L’autre point important, c’est de rester optimiste, même si c’est difficile vu le monde dans lequel on vit. J’essaie de cultiver une forme d'humble confiance. L’humilité de reconnaître tout ce que l’on ne sait pas et tout ce qui reste à faire. La confiance de se rappeler : c’est possible avec force efforts.  
Et si on décide de faire ça humblement, on a le pouvoir de faire de grandes choses, donc c'est ça qui motive, J’ai rencontré trop de gens qui bougent des montagnes et qui ne se donnent aucune excuse, et je leur dois cet optimisme. Je leur dois de croire en ce qu'elles et ils font. Je me dois de porter et renforcer ce qu'ils font autant que se peut. Donc c'est, c'est plutôt ça mon optimisme, sans être naïf et inconscient du monde dans lequel on vit, mais de se dire il y a des petites brèches qu'on peut faire grandir. 

 
    Enfin, être changemaker, c’est aussi faire preuve de générosité. Moi, j'ai passé peut-être 10 ans de ma carrière à donner sans attendre aucun retour. C'est plutôt une façon d'être qu’un calcul. Et puis il y a un moment dans ma carrière où j'ai commencé à recevoir des sollicitations, des demandes, des opportunités de partout dans le monde. Rejoindre tel board, donner telle interview, conseiller tel dirigeant, prendre telle responsabilité ... Je n’ai pas tout de suite compris et puis, je me suis rendu compte que la personne que j’avais aidée il y a dix ans, il y a vingt ans, elle a eu un déclic et fait son chemin, elle a référé à un tel ou un tel, … et me voilà avec tel poste, telle recommandation, tel article de presse. Ainsi des réseaux se créent, des connexions fructueuses grandissent. D'ailleurs c'est peut-être pour cela qu'on se parle aujourd'hui. Allez savoir.